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Le boucher des Hurlus
Jean Meckert
Article mis en ligne le 4 décembre 2024
dernière modification le 2 mars 2025

par Libraire

(…) le chef qui a commandé ça, on le connaît. Et moi j’attends d’être plus grand, mais je l’aurai  !

— Veux-tu bien te taire, mon gamin  !
— Je sais son nom. Et même qu’il habite à Neuilly, pas loin d’ici.
— Tais-toi  !
— Maman voulait lui faire son affaire, mais…
— Ça suffit, mon petit bonhomme  ! Tu ne rends vraiment pas service à ta maman, essaie de comprendre. Ne parle jamais de ça à personne  !

Mais le petit gars continuait, crispé, concentré.

— Des fois, je fais des dessins avec un grand mec plein d’étoiles, et moi je le pointe avec un pétard…
— Veux-tu te taire  !
— … que c’est tellement lourd, que je le tiens à deux mains.

1918. Michou, huit ans, est à la tête d’une bande d’orphelins de guerre. Rongé par l’esprit de vengeance, il part à la recherche du boucher des Hurlus, le général-massacreur qui fit fusiller son mutin de père, afin de lui rendre la monnaie de sa pièce.

Servi par un style décapant, Jean Meckert s’attache de nouveau à montrer la dégueulasserie de la guerre à travers la cruauté d’une poignée d’officiers et la lâcheté des gens de l’arrière. Cette fois-ci, tout passe par les yeux de l’enfance et c’est ce qui contribue à la force du récit. Incarnés avec justesse, les dialogues prennent littéralement aux tripes.

« La force de Meckert est précisément de faire du langage le terrible champ de bataille où la singularité se conquiert ou se perd. » — Annie Le Brun, Le Monde des livres (13/07/2012).
« Meckert, cet alliage rugueux de Hammet et de Dabit, écrit comme on cogne. » — Jérôme Garcin, L’Obs (12‑18/03/2020).
« II faut tout lire de Jean Meckert […]. Pas une ride, pas un mot de trop pour décrire l’ambiguité du monde et la tragédie des hommes. » — Ch. F., Libépolar (25/04/2024).

Jean Meckert (1910-1995) exerce une multitude de petits métiers avant de se mettre à écrire les romans rageurs que l’on connaît. Son histoire personnelle et celles de ses personnages s’entrechoquent souvent. Écrivain prolétarien et libertaire passé au roman noir, il écrit plusieurs dizaines de récits sous de multiples pseudonymes, dont celui de Jean Amila. Trente ans après sa mort, son œuvre, éloignée de toute forme de complaisance, reste celle d’un auteur révolté par la bassesse de ses contemporains et qui exprime, à travers ce style oral qui lui est si particulier, un besoin viscéral de liberté.

Illustrations : Saint Molotov
Postface : Stéfanie Delestré et Hervé Delouche