Question des plus anciennes, problème central de la philosophie politique, le pouvoir n’a pas cessé de hanter les esprits ; il a obsédé les puissants et révolté les partisans de la liberté.
Le pouvoir est un fait politique. Et partout il se présente enveloppé de sacralité, mais aussi de raisons, de légitimations, de justifications pour se rendre acceptable. Nu, il est effroyable et obscène. Ces habillages ont toujours nécessité démystification et critique.
Aujourd’hui nous vivons une période où le néolibéralisme conquérant occupe sans partage le terrain. Quels effets cet envahissement a-t-il produit sur la conception du politique et sur les théories du pouvoir politique ? En particulier, on pourrait se demander si les théories apparemment les plus critiques ou les plus contestataires ne se conforment pas à l’imaginaire établi.
Réfractions a voulu interroger le pouvoir à notre époque, et ouvrir un espace de débat autour de l’une de ces théories qui paraît avoir du charme, être dans l’air du temps et qui séduit nombre d’intellectuels : « la théorie du pouvoir » de Michel Foucault. De même, cet air du temps néolibéral nous incite à une lecture à nouveaux frais de l’idée de servitude volontaire théorisée par La Boétie et trop souvent galvaudée.
Cette problématique nous a amenés, comme naturellement, à la question de la place du politique et au constat de la dilution du conflit à l’intérieur du bloc néolibéral. Il s’agit dans ce numéro d’approfondir la façon dont la pensée politique contemporaine, théoriquement centrée sur l’idée de la division sociale depuis les travaux sur le totalitarisme, transforme cette notion en consensus sur l’ordre social dans le cadre d’un pluralisme bien compris, renvoyant la conflictualité hors du champ politique, réduisant celui-ci à la dimension juridique de la garantie des droits. La conséquence en est aussi bien sûr le congé définitif donné à toute idée et tout imaginaire de la révolution.
Il nous est apparu évident qu’entre ces deux questions se profilait un troisième terme : la question du sujet politique, et plus largement la question de l’agent de l’action, tellement son élision du discours théorique semblait s’adapter aux conditions de l’ordre dominant, et modifier en profondeur la compréhension du pouvoir politique ainsi que la représentation de la conflictualité.