« Le rose est une technologie du genre particulièrement redoutable. On ne se méfie pas (ou pas assez) de la couleur. »
Tout le monde le sait, « le rose, c’est pour les filles ». De fait, il rattache au féminin tout ce qu’il colore. Tour à tour marqueur de beauté ou de séduction, de douceur ou de naïveté, il contribue à une esthétisation du genre et à la perpétuation de stéréotypes : d’un côté, il rend le féminin superficiel, artificiel, donc paradoxalement invisible ; de l’autre, son association au masculin connote l’efféminement, voire l’homosexualité.
Rose interroge la place singulière que cette couleur occupe en Occident. De sa rivalité avec le rouge à son association à la fleur, en passant par le style rococo et le rendu des chairs dans la peinture ; des premiers colorants roses jusqu’à Barbie ; de l’opposition du bleu et du rose aux divers usages qu’en ont faits la mode, le cinéma, les dessins animés et les jeux vidéo ; de la construction de la préférence pour le rose au rôle qu’il joue dans le marketing, sans oublier la relation ambivalente que les mouvements féministes et LGBTQ entretiennent à son égard, Kévin Bideaux retrace, abondante iconographie à l’appui, la longue histoire sociale, artistique, politique et culturelle d’une couleur devenue une véritable technologie de genre.
Kévin Bideaux est artiste et chercheur en arts et en études de genre, membre du Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS) et du Centre français de la couleur (CFC). Il a soutenu en 2021 sa thèse de doctorat La Vie en rose. Petite histoire d’une couleur aux prises avec le genre, récompensée par le Prix de thèse 2022 de l’Institut du genre.