Une histoire du sabotage en deux volumes, c’est l’occasion de parcourir les nombreux mouvements qui s’opposent à toutes les formes d’exploitation et d’oppression. Des attaques contre la fortification, durant le Moyen Âge, aux incendies contre les antennes 5G aujourd’hui, en passant par les traine-savates dans les usines et le sabotage de la colonisation, ces deux tomes permettent de comprendre ce qu’est le sabotage et pourquoi il est toujours d’actualité.
Dans ce premier tome, il est question de remonter aux origines anarchistes de la pratique. Le sabotage naît dans les milieux anarchistes à la fin du XIXe siècle comme une résistance au travail et une alternative aux poseurs de bombes. « À mauvaise paye, mauvais travail » est le slogan retenu et répété par l’un de ses principaux inspirateurs, Émile Pouget, au sein de la toute jeune CGT, le fer de lance du syndicalisme révolutionnaire.
La pensée anarchiste pénètre alors parmi les travailleurs et travailleuses qui cherchent à contester subtilement la production sans courir le risque de se faire licencier. Le sabotage désigne ainsi le travail fait de mauvaise grâce et toutes ces petites pratiques contre-productives qui libèrent le temps de l’emprise économique. Il commence donc par le ralentissement, comme une manière de reprendre en main nos existences, d’éveiller notre autonomie, de réaffirmer le rythme de la vie et des belles lenteurs de l’existence contre la cadence des machines, tel Bartleby, le personnage de la nouvelle d’Hermann Melville qui répond systématiquement à son patron : « I would prefer not to ».
Mais le sabotage s’élève aussi à un niveau collectif : la multiplication des actes l’emporte au-delà du monde du travail pour le diriger plus largement contre toutes les structures de domination, l’empire marchand et les instruments du pouvoir en priorité. Il se confond alors avec l’action directe et la grève générale qui rejoignent les tentatives actuelles de démantèlement du capitalisme.
Des révoltes méconnues sont décrites et des révolutionnaires oubliés sortent des archives. On apprend que la construction du métro parisien est en lien avec le massacre des grévistes de Draveil et Villeneuve-Saint-Georges. Il est aussi question de l’insurrection contre les bureaux de placement et bien sûr des deux grandes vagues de sabotage que représentent la grève des PTT en 1909, puis des cheminots en 1910, en passant par le sabotage de la mobilisation militaire à l’aube de la Première Guerre mondiale.
L’histoire du sabotage interroge et renouvelle nos pratiques. Toujours réactualisée, elle entre en résonance avec nos luttes et leur insuffle un regain de vitalité.