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Trois quarts d’heure d’éternité

Rebecca Wengrow

vendredi 1er août 2014

Ils restèrent debout le plus longtemps possible, pour pouvoir se toucher. Sa main contre le dos trempé d’Eva. Elle remonta sa manche et lui tendit le collier bonbons enroulé autour de son poignet, comme elle lui aurait tendu son ventre. Il croqua le bleu, le rose, puis le jaune, débordant sur la peau fine et veineuse, là où la lame n’avait qu’à glisser pour laisser la vie s’enfuir. Derrière la vitre, les surveillants passaient et repassaient, hurlant de s’assoir. Pas le droit de se lever. Pas le droit de mieux se voir, de mieux s’aimer, pas le droit de tout ce qui pouvait faire le moindre bien. Pas le droit de tout ce qui pouvait rendre l’intenable, tenable.

Il la regarde, il la fait rire, il la fait attendre, beaucoup. Trop. Jusqu’au jour, où il ne donne plus du tout de nouvelles… Quelques temps après… En passant sous les miradors, elle croit entendre les cris des résistants, mais c’est juste elle et son obsession. Ceux qu’elle n’a pas pu sauver d’une époque où elle n’était même pas née. Alors, elle va s’enfermer avec lui. Et l’embrasser, l’embrasser... Comme si le baiser pouvait le libérer…


Trois quarts d’heure d’éternité
Rebecca Wengrow, Éditions Fortuna, 128 pages, 13 euros