Malgré l’hostilité des autorités lors de leur arrivée en France en 1939, les réfugiés espagnols furent des milliers, sous l’Occupation, à mener des actions de résistance puis à participer aux combats de la Libération. À partir de 1941, le Parti communiste d’Espagne (PCE), ayant créé une Union nationale espagnole qui se voulait rassembleuse de l’émigration, forma des groupes armés, les agrupaciónes de guerrilleros, avec un objectif double : « Libérer la France pour libérer l’Espagne. »
Dans l’été de 1944, dans les départements libérés le long de la frontière avec l’Espagne, alors que les autres combattants de la Résistance formaient des unités qui allaient se joindre aux armées alliées, les guérilleros entreprirent des actions d’infiltration en Espagne et une opération de plus grande envergure qui eut lieu en octobre 1944 dans le Val d’Aran.
Pour ces opérations, les militants du PCE eurent recours à tous les moyens pour recruter des combattants. Ils cherchèrent également à faire taire les critiques que pouvaient susciter leurs projets d’actions en Espagne. Dans ces quelques semaines de l’automne de 1944 où ils furent largement maîtres du côté français de la frontière, ils éliminèrent des opposants réels ou supposés, des crimes qui passèrent largement inaperçus dans cette période dominée par ceux commis à une toute autre échelle par les occupants nazis, le régime de Vichy et la dictature franquiste.
Henri Melich, réfugié en France avec ses parents depuis février 1939, participa aux combats de la libération de l’Aude dans un maquis FTP qu’il avait rejoint début 1944. Ceux-ci terminés, il s’enrôla dans la 5e Brigade de guérilleros de l’Aude. Au retour d’une mission d’incursion en Espagne, il apprit que le commandement de cette Brigade avait fait exécuter plusieurs de ses amis. Il n’a eu de cesse depuis que de faire la lumière sur ces assassinats et de rétablir la dignité des victimes, que leurs bourreaux et les soutiens de ceux-ci n’hésitèrent pas, pour se disculper, à accuser d’être des « traîtres », des « agents de Franco ».
Un détour de l’Histoire conduisit, dans les années 1950, les auteurs de ces assassinats à avouer ces crimes et à en révéler d’autres. Si l’étendue des éliminations commises par les guérilleros en France et leurs motivations restent à déterminer, l’enquête menée par Henri Melich et Christophe Castellano établit de façon irréfutable l’identité de 13 de leurs victimes et les circonstances de leur assassinat, et replace celui-ci dans l’histoire des relations entre le PCE et les révolutionnaires espagnols de 1936.