Préface de Serge Latouche
Combien de temps encore accepterons-nous d’être les soldats dociles et flexibles de l’armée de réserve de travailleurs dont « l’économie » a besoin pour « maintenir le cap de la croissance » ? À l’heure où la protection sociale est ouvertement dénoncée comme une entrave à la bonne marche de cette économie, ce livre rappelle que la souffrance au travail, aujourd’hui générale, est le résultat d’une rupture historique et d’un processus implacable d’expropriation des travailleurs. Le spectre du chômage suffit désormais à faire accepter à des individus dépossédés de toute maîtrise sur le sens et la finalité de leurs activités productives la brutalité du grand bond en arrière social exigé par la mondialisation néolibérale. Il est donc indispensable d’explorer d’autres pistes et de comprendre que le travail pourrait être à nouveau un facteur d’émancipation.
Didier Harpagès livre ici un panorama concis, clair et solidement documenté de la critique du travail et de ce qu’il fait à l’humain dans les sociétés dominées par le productivisme. Il revient sur des notions clés telles que le besoin, la rareté, la valeur ou la fragmentation du travail, tout en rappelant à travers quelques exemples que ce dernier n’a pas toujours ni partout été synonyme d’exploitation. Il propose alors d’explorer quelques pistes pour repenser une question plus vivace que jamais dans nos sociétés : la définition commune des besoins, celle de la notion de richesse, le partage du travail, la construction de l’autonomie politique, la prise en compte des urgences sociales et écologiques…
Renversant la perspective sur la question du « que produire ? », il invite à cesser d’envisager le monde comme un stock de ressources (humaines, biologiques, minérales) indéfiniment exploitables et à reconstruire l’idée d’un travail créatif, attrayant, maîtrisé, réduit dans le temps, partagé, et avant tout, désaliéné.