Historiens, philosophes, sociologues, juristes, architectes, écrivains, artistes, à la lumière de leurs analyses, réflexions, intuitions relatives aux formes traditionnelles du totalitarisme, interrogent le devenir politique de nos sociétés ?
Si un système totalitaire « avance », quels en sont les éléments ? En quoi ces éléments font-ils systèmes ? En quoi ce système est-il totalitaire ? S’apparente-t-il aux formes passées ?
Le collectif Illusio, après avoir reposé la nécessité de l’existence d’une Théorie critique des crises contemporaines, puis publié deux numéros sur l’enfance, poursuit « logiquement » sa recherche théorique, épistémologique et politique. Nous avons choisi de revenir, pour ce numéro, sur un thème souvent galvaudé, peut-être incompris, mais pourtant central tant il relève de la raison et des formes dialectiques qu’elle peut développer, à savoir le « totalitarisme ».
Nous nous proposons donc au sein de ce nouveau numéro de traquer, rechercher, ramasser et collecter ces éléments parfois invisibles d’anti-civilisation, ces traces ou ces déchets de nos sociétés capitalistes, afin de les analyser, les théoriser et les problématiser. Et ainsi, peut-être, de comprendre et mettre au jour les dangers qui subsistent encore et nous maintiennent dans diverses formes de barbaries révélant en miroir l’existence de totalitarismes contemporains.
Par l’articulation des multiples contributions présentées dans ce numéro, nous prétendons modestement montrer combien le concept contemporain de totalitarisme mérite d’être questionné, disséqué et réinterrogé. Notamment au prisme du concept de système totalitaire, qui ne peut plus être uniquement identifié aux expériences passées, « traditionnellement » nommées ainsi. Car s’il est un système totalitaire contemporain, c’est que le monde lui-même, dans sa totalité, tend à devenir système ; un système technique, économique et politique visant à réduire tout monde et toute vie à son plus petit dénominateur commun.
Dans une telle perspective, renvoyant aux effrois de la réification, le système totalitaire ne saurait être assimilé à un État, à un parti, ou à un homme, pas plus qu’à une période limitée dans le temps. Il s’apparente beaucoup plus à un processus historique, largement planétarisé, qui ne ferait « aucun reste », ne connaîtrait plus aucune externalité, qui serait économiquement et techniquement parfaitement intégré.
Système sans sujet historique, devenu automate, ne poursuivant d’autre fin que sa propre survie, par l’accroissement continu de sa puissance et l’illusion de sa valeur, les êtres humains n’y apparaissent plus qu’en tant que rouages ou grains de sable.
Pourvu que cette nouvelle livraison contribue à enrayer la mégamachine totalitaire.