Nationalisme et Culture est le principal ouvrage de Rudolf Rocker. Ce livre éclaire la genèse de l’idéologie nationaliste jusqu’à Rousseau et la Révolution française qui instaure le culte national et à Hegel qui fait de l’État le Dieu sur terre. Ce dont le marxisme héritera et ensuite le fascisme. Finalement Rocker conclut sur la nécessité d’une Fédération européenne avec une économie unifiée dont aucun peuple n’est exclu, « première condition et seule base pour une future fédération mondiale ».
Né en 1873 à Mayence, une ville séduite par les idéaux de la Révolution française, Rudolf Rocker fut attiré un temps par la social-démocratie avant de s’orienter vers l’anarchisme. Contraint de quitter l’Allemagne, il se réfugia à Paris puis à Londres, où il continua d’exercer sa profession de relieur et fréquenta le groupe d’anarchistes juifs qui éditait la revue /Arbayter Fraynd. /Il revint en Allemagne après l’armistice et, fin 1922-début 1923, participa à la fondation de l’AIT, dont il allait assurer le secrétariat. En mars 1933, peu après l’incendie du Reichstag, il quitte à nouveau son pays natal, définitivement cette fois-ci. Expatrié aux États-Unis, il collabore aux activités du cercle d’ouvriers regroupés autour de la revue /Fraye Arbayter Shtime /et, sitôt commencée la guerre d’Espagne, fait oeuvre de solidarité avec ses compagnons espagnols, en rédigeant les brochures /The Truth about Spain /et /The Tragedy of Spain/, et en donnant de multiples conférences sur tout le territoire nordaméricain.
Après la Seconde Guerre mondiale, il se détache peu à peu de la perspective anarcho-syndicaliste et de la « vision prolétarienne du monde » au profit d’une sorte de libéralisme radical. Mort en 1958, près de New York, il laisse une œuvre importante dans laquelle deux livres brillent d’un éclat tout particulier : ses Mémoires qui, en quelque 1 500 pages, retracent une trajectoire personnelle qui est aussi celle de l’anarcho-syndicalisme de la première partie du XXe siècle, et son grand ouvrage théorique, /Nationalisme et culture/, que Bertrand Russell salua comme une « importante contribution à la pensée politique », en louant « sa brillante critique du culte de l’État [...] la superstition dominante et la plus nocive de notre temps ».
Fruit d’un très long travail achevé à la veille de l’incendie du Reichstag, le livre ne serait publié dans sa langue d’origine qu’en 1949, soit bien après les versions en espagnol et en anglais. Il aura fallu beaucoup plus de temps pour que ce grand livre soit enfin disponible en langue française, publié sous les auspices des Éditions CNT-RP et des Éditions Libertaires.