Depuis le début de la crise mondiale de la covid-19, les questionnements sur l’avenir des capitalismes se sont multipliés. Et nombre de voix se sont élevées pour que les « jours d’après » ne soient plus jamais comme « ceux d’avant ». Dans le court terme, les pronostics étaient confrontés à une incertitude radicale, invitant à la prudence : il faudra du temps pour démêler l’écheveau des responsabilités et construire d’éventuelles alternatives.
D’où l’importance de comprendre les ressorts de la crise. Comme l’a montré le célèbre 18 Brumaire de Louis Bonaparte de Marx (1852), les meilleures analyses « à chaud » sont le fait d’auteurs ayant une vision de la dynamique du système sur un horizon long. C’est pourquoi Robert Boyer, contributeur majeur de l’École de la régulation – qui étudie l’économie comme partie intégrante de sociétés traversées par l’histoire –, est bien placé pour relever ce défi. Lors de crises précédentes, il a démontré la valeur explicative de cette approche, qui prend en compte à la fois les inerties tendant à la reproduction du système et les forces impulsant sa transformation : l’issue n’est pas écrite à l’avance et plus longtemps durent les crises, plus le retour à la situation antérieure devient improbable.
Dans cet essai, l’auteur donne à comprendre les processus déclenchés en 2020 et éclaire sur le champ des possibles. La dislocation des relations internationales, l’éclatement de la zone euro, la déstabilisation de l’État social, la montée des populismes ne sont pas improbables. Mais n’est pas non plus exclue une grande bifurcation vers un nouveau modèle construit sur la complémentarité entre éducation, formation, santé et culture, qui répondrait à la demande de solidarité des citoyens et aux exigences de la transition écologique.