Qualifié à sa mort, en 2014, de « grand fauve de l’édition », Jean-Jacques Pauvert, l’éditeur de Sade et d’Histoire d’O, est souvent vu comme un franc-tireur sulfureux. Cette image est un cliché. D’abord parce que Pauvert ne s’est jamais limité à la littérature érotique, construisant un catalogue original et d’une qualité rare. Ensuite parce qu’il n’a jamais cessé de ferrailler contre la censure pour le grand bien de tous. Et qu’enfin, éditeur à vingt ans, il restera plutôt, avec quelques autres, l’incarnation de l’éditeur indépendant.
Proche d’André Breton et de Georges Bataille, qu’il a édités, il le fut aussi de Jean Paulhan et plus tard de Guy Debord. Surréalisme, ’pataphysique, dadaïsme, Cobra, situationnisme, rien de ce qui contestait ne lui était étranger. Il fut donc l’éditeur de la célèbre revue Bizarre et d’écrivains hors norme tels que Raymond Roussel et Boris Vian. Avec Jean-François Revel, il lança la mémorable collection « Libertés ». Et en Mai 68, avec Siné, il publia l’explosif journal L’Enragé. Enfin, il rencontra le succès avec Albertine Sarrazin et Jean Carrière. Ce qui ne l’empêcha pas de perdre son indépendance à cause d’une globalisation déjà à l’œuvre dès le début des années 1970.
À partir de précieux fonds d’archives publics et privés et d’échanges avec les grands acteurs de la geste pauvertienne, l’auteure éclaire sous son vrai jour l’itinéraire plein de panache d’un éditeur au non-conformisme assumé, devenu sur le tard écrivain érudit. Itinéraire qui est aussi celui d’un provocateur-né, plongé dans un monde éditorial, politique et littéraire alors particulièrement effervescent qui nous est dépeint au fil des pages de ce livre passionnant.