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Réflexions sur la délation
François de Pange
Article mis en ligne le 5 mai 2011
dernière modification le 20 février 2025

par Libraire

« Comme il serait déraisonnable de penser à guérir les hommes de la crédulité, cette suite irréparable de leur faiblesse, on pourra m’objecter encore que les imposteurs qui fondent leur succès sur elle sont un mal inévitable. Mais j’observe que je ne fais pas ici la proposition insensée d’empêcher des hommes de réciter des mensonges et d’autres hommes de les croire ; c’est à la délation seulement que je cherche un remède et voici le moment de fixer le sens que j’attache à ce mot. »

Suite à l’évidence de l’innocence d’un homme pourtant acculé à un procès pour « avoir voulu affamer et dévaster la capitale », l’auteur entreprend une dénonciation énergique des calomnia­teurs, des imposteurs et autres délateurs : « ceux qui cherchent à noircir dans l’esprit du peuple les intentions, les discours, la conduite de leurs concitoyens ».

Montrant le mécanisme de la délation, il s’insurge contre l’absence, en France, de sanctions pénales contre ceux qui dénoncent leurs concitoyens en dehors des tribunaux. D’autant que l’imprimerie facilite plus encore les possibilités de répandre ainsi le mensonge et l’erreur. Faussée, l’opinion perd de sa valeur comme elle n’est plus redoutée par les scélérats.

Dans un même mouvement, c’est l’avidité des citoyens pour de telles infamies que l’auteur dénonce : « La délation ferait peu de progrès, si elle ne rencontrait dans le peuple des dispositions à la croire. »

Il s’insurge aussi contre le comité de recherches et sa forme policière, plus enclin à protéger l’État que la ville dès lors qu’il tente de dénicher toute conspira­tion contre celui-là à l’intérieur de celle-ci. C’est le terme même de lèse-nation que l’auteur finit par invalider.


Édition établie par Stéphane Lemny.


François de Pange (1764-1796) est connu des milieux littéraires. Il a notamment été le modèle d’Oswald, héros de Corinne, roman de Madame de Staël. Or, et malgré son origine noble, il a aussi joué un rôle certain dans la Révolution, non pas sur le plan de l’action mais sur celui des idées. Il a publié différents articles dans le Journal de Paris, le Journal de la Société de 1789 ou encore le Journal des hommes libres.