Trente années de discours sécuritaires ont consacré un regard dépolitisé, sinon racial, sur les classes populaires. Les supposées « Trente Glorieuses » continuent d’être contées comme une période de progrès social sans équivoque. Trente ans d’habitat provisoire et de gourbis sordides en banlieue, d’asphyxie au charbon et de saturnisme restent largement ignorés. Quant aux années 1968, elles sont ravalées au rang de révolte culturelle et sexuelle. Les années rouges sont souvent méconnues par les militants eux-mêmes, qui préfèrent se souvenir des luttes anticoloniales ou contre la ségrégation outre-Atlantique. Oubliés, les grèves ouvrières et immigrées, l’usine et un parti communiste omniprésents, le christianisme social, l’anti-impérialisme et l’antifascisme, les premiers collectifs de défense contre la surexploitation et le logement indigne des travailleurs et familles immigrés.
De l’époque de la guerre d’Algérie aux années 1980, les bidonvilles de Nanterre symbolisent la condition immigrée en France, de même que le long et difficile chemin qui mène leurs habitants vers les sinistres cités d’urgence et de transit, puis finalement vers la « cité » HLM. De l’entrée des premiers militants chrétiens dans les bidonvilles jusqu’à la naissance des mouvements menés par les immigrés eux-mêmes, en passant par l’engagement des gauchistes de la faculté toute proche, ce livre est une histoire de rencontres et de luttes.