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Oranges amères - Un nouveau visage de l’esclavage en Europe

Gilles Reckinger

samedi 15 avril 2023

La migration depuis les pays des Sud vers l’Europe est la plupart du temps présentée dans les médias comme une invasion et une menace. En réalité, cette « crise migratoire » révèle les ambivalences des politiques européennes. Depuis l’accord de Schengen en 1985, qui a introduit la libre circulation des citoyens au sein de l’UE, la frontière n’est plus conçue comme une ligne physiquement définie, mais comme un espace dynamique qui s’étend et implique des États non européens. Invoquant un argument « humanitaire » de protection des migrants, l’UE s’efforce d’empêcher tout mouvement dès son départ.

Les témoignages présentés ici montrent comment les migrants se retrouvent emprisonnés durant des années, sans papiers, sans visas, sans argent, sans accès légal à l’emploi. Non-citoyens, ils n’ont d’autre choix que de travailler et vivre dans des conditions inacceptables, à la merci de leurs employeurs et privés de droits. Avec la complicité de l’Europe qui permet le maintien d’un grand nombre de gens dans une insécurité extrême, un esclavage est en effet rendu possible, mais aussi avec l’accord tacite des autorités locales et la complicité des mafias. Les migrants sont devenus une armée de réserve de travailleurs flexibles et interchangeables.

L’horreur éprouvée face à ce traitement des migrants en Europe révèle une autre transformation du capitalisme. La misère et les dictatures laissées derrière par le colonialisme européen dans les pays des Sud, comme la pénétration des marchés locaux par des produits occidentaux fortement subventionnés, provoquent la fuite de nombreux migrants. Le recours à une main-d’œuvre sous-payée pour financer le mode de vie impérial de l’Occident n’est pas seulement une urgence humanitaire, mais un modèle de production. L’exploitation de ces migrants, loin d’exprimer l’échec du modèle économique néolibéral, constitue au contraire une modalité de son fonctionnement.

L’Union européenne libérale ne peut l’ignorer : elle a créé, à ses frontières, les conditions d’un véritable esclavage contemporain.


Gilles Reckinger est anthropologue. Il a effectué des séjours prolongés dans les camps de réfugiés et de travailleurs migrants du Sud de l’Italie. Son témoignage écrit et photographique documente l’inhumanité de leurs conditions de vie.


Oranges amères - Un nouveau visage de l’esclavage en Europe
Gilles Reckinger
Éditions Raisons d’Agir, format 11 x 17,5 cm, 176 pages
12 euros