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Sylvain Maréchal l’égalitaire

Maurice Dommanget

lundi 22 octobre 2018

Un commentateur de l’époque en fit la remarque : « La France est le seul pays de la terre où le gouvernement ait pu s’occuper d’un almanach ». Ce n’est même pas un almanach, mais un modeste calendrier qui valut à Sylvain Maréchal de passer en 1788 trois mois en prison. Son délit ? D’avoir remplacé dans un calendrier de « l’an premier de l’âge de la Raison » les noms des saints par ceux de grandes figures de l’humanité. Pendant trente ans, dans des poèmes, des parodies, des dictionnaires de sa composition, et même des ouvrages de la plus haute érudition, il voudra faire partager sa conviction profonde : seule l’égalité réelle, accompagnée de la disparition des Églises et des prêtres qui en est une condition, peut sortir l’humanité de sa condition misérable. Sylvain Maréchal se place résolument dans la filiation des matérialistes de l’antiquité et du XVIIIe siècle et annonce ceux du siècle suivant :
« L’homme a dit : faisons Dieu ; qu’il soit à notre image :
Dieu fut ; et l’ouvrier adora son ouvrage. »

Mais Sylvain Maréchal est habité par une spiritualité exigeante et pour lui seul l’homme vertueux peut être athée. En contrepartie, il prône et pratique la plus grande tolérance pour ceux dont les croyances diffèrent des siennes :
« Qu’on écrive ces mots sur le seuil des écoles :
Crois peu, doute beaucoup ; du moins, sois tolérant. »

Républicain de longue date, il sera pendant la Révolution le principal rédacteur des Révolutions de Paris, le journal le plus lu, et il écrira le Jugement dernier des rois, la pièce la plus représentative de l’esprit des républicains confrontés aux dangers immenses des guerres intérieures et extérieures. Quand, sous le Directoire, il verra les libertés publiques se restreindre et la misère s’accroître, il apportera son concours à la Conjuration des Égaux et rédigera le Manifeste des Égaux :
« Qu’il ne soit plus d’autre différence parmi les hommes que celles de l’âge et du sexe. Puisque tous ont les mêmes besoins et les mêmes facultés, qu’il n’y ait donc plus pour eux qu’une seule éducation, une seule nourriture. Ils se contentent d’un seul soleil et d’un même air pour tous : pourquoi la même portion et la même qualité d’aliments ne suffiraient-ils pas à chacun d’eux ? »

Épargné par la répression, il poursuivra ses combats avec une lucidité rare, cherchant notamment à mettre en garde l’opinion, deux ans avant le 18 brumaire, contre les ambitions du général Bonaparte :
« Je ne vois pas ce qui empêcherait le général de venir dire au Palais national : je vous donnerai un Roi de ma façon ou tremblez. Votre désobéissance sera châtiée. »

Dans les dernières années de sa vie, il continuera à mettre sa plume au service de ces causes qu’il aura faites siennes autour de ses vingt ans : la lutte contre l’imposture cléricale et celle pour l’égalité réelle.


L’AUTEUR :
Grand historien de la Révolution et de la naissance du socialisme en France, comme le rappelle Serge Bianchi dans sa présentation, Maurice Dommanget s’est livré à une longue enquête pour faire connaître dans ce livre tous les aspects et toute la force de l’œuvre de Sylvain Maréchal, un écrivain à la fois ancré dans les savoirs les plus profonds de l’Antiquité et annonciateur des formes modernes des luttes pour l’égalité.


Sylvain Maréchal l’égalitaire
Maurice Dommanget, Éditions Spartacus, 604 pages, 25 euros