Pierre Kropotkine fut le plus célèbre évadé de la forteresse Pierre-et-Paul, à Saint-Pétersbourg, dans laquelle il passa presque deux années à l’isolement total, entre 1874 et 1876. Réfugié politique en Angleterre, bien avant de devenir l’un des pères de la pensée libertaire, il publia en 1881 et 1882 une série d’articles qui constituent une description et une dénonciation minutieuses du système judiciaire et carcéral de la Russie des tsars, ainsi que de la cruauté de la déportation en Sibérie.
La lecture de ces textes nous montre ce que fut le « Goulag d’avant le Goulag » et nous ouvre les yeux sur une tragédie historique et politique : le pouvoir soviétique, bien loin de réformer ou de détruire cet appareil répressif, incapable de contester l’idée même de l’enfermement (ce que fait Kropotkine dans un de ses articles), s’est contenté de remettre en marche immédiatement la terrible machine pénitentiaire des empereurs russes.