« La définition la plus simple de "bisexualité" parle de la possibilité d’éprouver du désir pour des personnes de n’importe quel genre ou sexe. Si ce qu’on exige de nous c’est de signer de notre sang les circuits de nos désirs, alors désolées, mais nous ne cherchons pas à avoir cette maîtrise et encore moins s’il s’agit de satisfaire les insécurités des autres. Nous aspirons à la rébellion des mouvements, aux potentialités relationnelles infinies, à des utopies qui n’enclosent pas ni ne prescrivent nos façons d’habiter le monde.
Cela étant dit, nous, bisexuelles féministes, déclarons : à toi, Indécise, qui ne sais pas ce qu’elle veut ; à toi, Hystérique, éternelle insatisfaite de la verge ; à toi, Amatrice de partouzes, qui dis oui à tout ; à toi, Curieuse, qui n’aimes pas les étiquettes ; à toi, Égocentrique, qui utilises les mecs et les meufs pour ton seul plaisir sexuel ; à vous, Madame l’épouse, qui baisez avec des jeunettes et qui retournez ensuite à votre douce demeure ; à toi, Lesbienne, qui es tombée amoureuse d’un mec trans… Laisse tomber toutes ces catégories que tu es si habituée à utiliser, et embrasse-nous. »
Ce livre naît de l’entrelacement de l’expérience politique, de la théorie et de la tendresse pour configurer une cartographie sensible d’où émerge une identité généralement invisibilisée : la bisexualité. Elle est ici célébrée comme puissance politique légitime, à rebours de l’injonction monosexuelle, grâce à un panorama historique des luttes et stratégies bi & féministes argentines de ces dernières décennies.
Ces voix et témoignages (militants, académiques, poétiques) accompagnent la construction de représentations intimes dont nous manquons cruellement. Les auteur·ices réaffirment la valeur des identités érotiques et amoureuses polysexuelles tout en dénonçant la biphobie, engendrée par l’histoire unique cis-hétéro patriarcale, mais parfois perpétuée au sein même du mouvement LGBTQIA+. Ni phase ni confusion : être bisexuel·le c’est notre décision !
La collective Bisexuales Feministas entre en scène politiquement et publiquement à Buenos Aires en 2012, lors de la Marcha del Orgullo [Marche des fiertés]. Si sa trajectoire n’a pas été constante, l’organisation a néanmoins réussi à se constituer comme référence pour la communauté bisexuelle locale grâce à sa présence lors de manifestations, à la production de textes publiés dans des revues scientifiques ou des médias de diffusion massive, à la création d’espaces mensuels de rencontre et de réflexion. Comme résultat de cette première expérience, ce type d’espace a été multiplié (certains portent le même nom, d’autres en ont adopté de nouveaux) dans toute l’Argentine. Leur militantisme se base principalement sur le déploiement de stratégies de visibilisation en étant particulièrement présent·es dans les rues avec, par ailleurs, des inscriptions territoriales spécifiques.