On connaît bien les géants du jazz, les Duke Ellington, Louis Armstrong, Charles Mingus et autres Miles Davis. À côté de ces poids lourds, Sonny Rollins, Dave Brubeck, Ornette Coleman et autres mi-lourds sont également reconnus comme des phares de cette musique d’abord made in USA. Puis, les choses deviennent moins claires : des musiciens et musiciennes de jazz de la catégorie des mi-moyens, pour reprendre le qualificatif du célèbre critique Leonard Feather, on en connaît finalement assez peu. Ou en tout cas beaucoup moins.
Red Garland, Elvin Jones, Lester Bowie, Julius Hemphill et bien d’autres méritent pourtant d’être connus. Non seulement parce que ce sont eux aussi de formidables artistes qui ont marqué l’histoire du jazz, mais parce qu’ils ont incarné une dimension essentielle de cet art né en bordure du Mississipi.
La quarantaine de portraits de ces immenses jazzmen et jazzwomen américain·e·s que propose ici Serge Truffaut replace cette musique dans le contexte social et historique qui l’a vu naître et se développer jusqu’à aujourd’hui. Et pour bien montrer l’ancrage de la musique de ces résistants et résistantes dans l’espace américain, l’auteur esquisse le portrait de certaines villes – Kansas City, Détroit, Philadelphie et Los Angeles – qui ont joué un rôle clé, mais souvent méconnu, dans l’histoire du jazz. Mais aussi dans la volonté de s’affranchir de l’esclavage, l’ancien comme le nouveau.
Le tout avec des illustrations inédites de Christian Tiffet, longtemps directeur artistique au Devoir, qui contribuent à sortir le jazz d’un imaginaire saturé par des photos qui n’épuisent pas la richesse de cette tradition à la fois musicale et politique.