« Inondations, famines, tremblements de terre et éruptions volcaniques ont joué leur part en matière de destruction humaine, dont l’entendement peine à mesurer l’horreur, et pourtant, jamais auparavant ne s’était produite une catastrophe à la fois aussi soudaine, aussi dévastatrice et aussi universelle. Le plus stupéfiant dans cette pandémie, c’est le mystère total qui l’entoure. Nul ne semble savoir ce qu’est la maladie, d’où elle vient, ni comment y mettre fin. Les esprits anxieux se préoccupent de la survenue d’une nouvelle vague. »
Épidémiologiste et ingénieur sanitaire en avance sur son temps, George A. Soper fut l’un des premiers à tirer les leçons du désastre sanitaire historique de la grippe espagnole. Dès 1919, face à l’incapacité de dégager un point de vue consensuel sur la nature de l’épidémie, il parvient à synthétiser en seulement quelques pages, les connaissances et les débats de l’époque sur le sujet. Mais davantage qu’un compte rendu de l’épidémie en elle-même, Soper offre ici un témoignage édifiant et prémonitoire, sur la nature des maladies pandémiques dans un monde interconnecté.
Dès 1918, la maladie se propagea à une vitesse exceptionnelle, mettant ainsi au jour les prémices d’une dynamique de mondialisation aujourd’hui achevée. Avec une extrême prudence et une impressionnante lucidité, Soper livre une analyse visionnaire, qui continue de nous éclairer un siècle plus tard. Il constate avant tout le caractère volatil, et mystérieux, des pandémies de grippe.
On est frappé de constater que les moyens employés dans la lutte contre la pandémie de covid-19 sont précisément les mêmes que ceux utilisés contre la pandémie de 1918. À croire qu’un siècle plus tard, la recherche n’a que peu avancé dans la compréhension de telles maladies. Il dénonce en même temps l’indifférence avec laquelle ces maladies sont habituellement regardées, cause de notre incapacité à nous en prémunir.
Faisant presque figure de lanceur d’alerte, Soper insiste par ailleurs sur la grande insouciance de la population, qui contribua à la propagation exponentielle du virus. Pour lui, les mesures d’autocontrôle et d’autoprotection constituent le principal levier d’action pour empêcher la propagation des épidémies. Sa méthode ne se contente pas d’observer les symptômes et de tenter de prescrire un remède. Il s’attaque à l’analyse détaillée de l’ensemble des cofacteurs afin de mieux appréhender les causes de la maladie et l’éradiquer.
Aujourd’hui encore, certaines des interrogations de Soper demeurent sans réponses précises, notamment en ce qui concerne l’impact des variations climatiques sur l’évolution des virus. Finalement, par delà les querelles scientifiques, ces pandémies révèlent avant tout la fragilité de l’espèce humaine. Mais Soper n’est pas un fataliste et croit en la possibilité de nous prémunir de telles maladies…