Avant la Première Guerre Mondiale, les organisations ouvrières en Europe avaient beaucoup œuvré pour organiser les ouvriers et les enrégimenter dans leurs structures, tout en se donnant des airs subversifs à grand renfort de propagande. Elles couraient derrière le nombre d’adhérents, plus intéressées à les habituer à suivre les ordres d’en haut, qu’à tenter d’en fortifier les consciences et les volontés. Que des millions d’adhérents se croyant émancipés – eux qui auraient peut-être pu empêcher la guerre s’ils l’avaient osé –, aient fini par aller au front après que leurs chefs aient brutalement retourné leurs vestes, voilà la « démonstration la plus putride des organisations prétendument subversives ».
Cela ne découragea pas des anarchistes de promouvoir certaines propositions ambitieuses, comme Luigi Galleani dans son article « Contre la Guerre, contre la Paix, pour la Révolution ». Face à la perspective alors courante à cette période (se préparer à prendre la revanche dès que la guerre se terminera), Galleani opposait la conviction qu’au vu de la situation sociale et économique, l’insurrection allait éclater avant la trêve dans un des pays d’Europe, afin d’empêcher que sur les ruines de la guerre, la paix ne réorganise l’ancien ordre social. La proposition était lancée : l’heure de la révolte approchait, le moment opportun de l’insurrection allait venir, et il fallait s’y préparer.
Cette question de la préparation sera bientôt dans les bouches, dans les esprits, et dans les choix de nombreux compagnons et compagnonnes. Car si la plupart étaient d’accord pour reconnaître que les révolutions ne s’organisent pas, ils étaient toutefois aussi d’accord pour considérer que « les insurrections ne se déterminent pas, ne trouvent pas leur chemin, n’amènent pas les conséquences espérées, sans un travail sagace, patient et zélé, de préparation morale et matérielle ».
« Contre la guerre hier, là-bas, nous sommes aujourd’hui contre la guerre, ici, où elle scintille porteuse des mêmes intrigues et des mêmes mensonges, avide du même sang, du même butin, des mêmes restaurations.
Contre la paix bâtarde hier, là-bas, nous sommes contre la paix aujourd’hui, ici, partout où elle consacre privilège et servitude, inégalité et iniquité.
Pour la révolution hier, avec toutes les aspirations de l’âme, nous sommes aujourd’hui ici contre la guerre contre la paix, pour la révolution sociale, parce que la révolution seule peut accomplir victorieusement les choses suivantes : niveler les frontières des classes et des pays, et sur la terre affranchie réconcilier les hommes comme des frères dans l’amour de la vie, bénis par l’amour et la liberté. »