Aurions-nous imaginé, il y a quelques décennies, que l’essentiel de nos interactions serait médiatisé par un petit appareil, logé au fond de notre poche ? Que l’IA optimiserait des bombardements meurtriers et rédigerait nos déclarations d’amour ? Que tout ce qui était directement vécu s’évanouirait dans sa propre numérisation ?
La « société réticulaire » décrit le stade d’avancement actuel de la société capitaliste qui, après avoir été dominée par les marchandises puis par le « spectacle », est désormais soumise à la circulation de l’information en ligne et sur les réseaux. L’accumulation essentielle du Capital n’est plus celle des produits de consommation, ni celle de leurs images, mais l’accumulation de la circulation elle-même. Les pixels qui codent les images qui n’ont plus besoin d’être vues pour avoir une efficacité politique, militaire ou économique.
Cette nouvelle gouvernementalité transforme de fond en comble
notre rapport à l’existence. Quelle est donc la nouvelle nature de ce pouvoir circulatoire ?
Ian Alan Paul, en un style incisif, souligne les contradictions inhérentes à la vie contemporaine, où règne la « séparation connectée », où agissent de concours « la séparation numérique et l’intégration au réseau », où la vie trouve une plus grande réalité à sa propre « désunion en ligne ».
L’auteur développe les conséquences « bio-réticulaires » et « nécro-réticulaires » de la connectivité permanente, et propose enfin des voies de sortie éthiques et politiques, par de nouvelles formes d’insurrection, par l’autonomie et le détournement.
Avec La Société réticulaire, Ian Alan Paul remet La Société du spectacle de Debord à l’heure en actant que c’est désormais par la circulation de l’information et notre relation viscérale au numérique que le capitalisme redéfinit les formes de la vie, de la mort et du politique. Restent heureusement et toujours la désertion, le sabotage et la révolte.
Ian Alan Paul est docteur, artiste et théoricien états-unien, il enseigne la théorie des médias à Barcelone. Réalisateur de films et de nombreuses installations numériques, il a publié plusieurs articles traduits dans lundimatin, ainsi qu’un premier livre Moving images (Transcript, USA, 2020).
Postace de Frédéric Neyrat